Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais expliquer pourquoi j’ai
choisi ce thème. La paix dans le monde c’est pour moi une finalité et un espoir
qui trotte dans ma tête depuis longtemps. C’est avoir des rapports avec les autres
qui n’engendrent que du progrès, progrès dans la réflexion, dans la recherche de
la vérité, dans l’évolution de l’homme (et de la femme cela va de soi). C’est la
possibilité d’avancer avec les autres et pas contre les autres. La paix c’est plus
qu’un mot, c’est un tout.
Vous rappelez-vous des sujets abordés par les Miss America lors des
concours de beauté aux États-Unis lorsque le commentateur leur demandait quel
était leur vœu le plus cher ? Inexorablement la réponse incluait « La paix dans le
monde ».
Il faut savoir que ces concours ont explosé après la seconde guerre
mondiale, dans les années 50, avec Miss Monde puis Miss Univers. Toutes les
femmes qui y participaient voulaient promouvoir des valeurs universelles
comme la paix et l’unité.
Aujourd’hui, bien que le « rêve de paix mondiale » soit parfois mentionné
dans les discours des candidates, c’est plutôt une formule désuète.
Je ne suis pas Miss America, mais j’aimerais partager avec vous une réflexion,
MA réflexion sur la paix mondiale.
C’est un idéal noble et universel qui semble pourtant toujours hors de
portée. Ce sujet nous concerne tous et toutes, car la paix n’est pas seulement une
absence de guerre, c’est aussi un état d’équilibre, de justice et d’harmonie où
chaque individu peut s’épanouir, en sécurité et en liberté.
C’est une des valeurs au cœur de notre engagement maçonnique, qui nous
pousse à être des artisans de paix.
Artisan de paix, que cela signifie-t-il ?
En tant que franc-maçon, j’ai pour mission de bâtir mon temple intérieur.
Je recherche l’harmonie en moimême. Cette quête intérieure est fondamentale,
car la paix véritable commence par mon alignement personnel et ma capacité à
vivre en accord avec moi-même. En cultivant cette paix intérieure, je deviens
plus apte à la propager autour de moi.
Un artisan de paix est une personne qui œuvre activement à établir,
maintenir ou promouvoir la paix, que ce soit à une échelle personnelle,
communautaire ou internationale.
Contrairement à une vision passive où la paix semble être simplement une
absence de conflit, être un artisan de paix c’est être conscient que notre action
vise à construire un environnement de justice, de respect mutuel et d’équilibre.
Être un artisan de paix c’est transformer les situations de conflit en opportunités
de collaboration, en bâtissant des ponts là où il y avait des murs. C’est une
mission active, exigeante, mais essentielle pour construire un monde meilleur.
Un monde meilleur ? Mais qu’entend-t-on par un monde meilleur ?
Est-ce celui d’Aldous Huxley où le bonheur artificiel et la stabilité sociale
sont obtenus au prix de la liberté individuelle et de l’authenticité humaine avec
des petites pilules de soma ? Est-ce le monde de Matrix où le choix de la pilule
décidera du monde dans lequel on atterrit ? La rouge pour explorer la vérité et
quitter le monde illusoire de la matrice ou la bleue pour rester volontairement
dans le confort et l’ignorance ?
Nelson Mandela a œuvré pour la réconciliation en Afrique du Sud. Il est
considéré comme un artisan de paix.
Une personne qui apaise les tensions, encourage la réconciliation et
s’efforce de maintenir des relations harmonieuses est aussi un artisan de paix.
Il y a très longtemps, j’avais seize ans, je sortais d’un café et un homme
d’une trentaine d’années s’est approché de moi et a voulu entamer une
conversation. Je lui ai répondu vivement et peut-être avec une pointe
d’agressivité ne pas vouloir parler avec lui. Pourquoi ? Principalement à cause
de mon éducation c’est-à-dire, entre autres, ne pas parler à des étrangers. Ce que
cet homme m’a dit m’a fait réfléchir plus tard. Il m’a demandé si lui ou moi
étions responsable des conflits autour de nous et si le fait de s’ignorer et de
monter cette haine qui nous avait été léguée était véritablement ce qui devait être
notre motivation première. Que pourrions-nous faire pour apporter de la paix
dans ce monde rempli de préjugés ? Il n’avait pas tort. J’y ai souvent pensé
depuis lors.
Notre engagement maçonnique repose notamment sur la fraternité, valeur
clé pour promouvoir la paix. La fraternité dépasse les frontières, les religions et
les cultures.
Elle nous rappelle que l’humanité est une seule et même famille et qu’en
tant que telle, nous avons tous le devoir de protéger les droits, la dignité et le
bien-être de chacun. Ce principe de fraternité nous invite à accueillir les
différences non comme des menaces, mais comme une richesse qui peut
renforcer notre monde.
Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis, comme
aurait pu dire Antoine de Saint Exupéry dans « Lettre à un otage » en 1943 (en
fait il a dit « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente » mais je préfère
la première version).
Mais pour cela, il faut échanger, discuter, écouter ; la fraternité universelle
c’est aussi lutter contre les inégalités et les injustices qui fragmentent
l’humanité, c’est mettre de côté nos divergences et mettre en avant nos vertus
maçonniques (comme par exemple la bienveillance, la tolérance, la justice,
l’humilité, la discrétion, la confiance, la sincérité, la fidélité et le travail sur soi).
La guerre en Ukraine met en évidence les conséquences dramatiques de refus de
dialogue et de refus de justice. Les populations civiles souffrent, les
infrastructures sont détruites et l’espoir d’un avenir stable semble éloigné.
Le conflit israélo-palestinien nous rappelle encore une fois combien le
manque de compréhension, de tolérance mutuelle peuvent générer injustice et
haine. Tout cela alimente ainsi une spirale de violences. Et cela s’envenime
avec un Donald Trump qui propose que les États-Unis prennent le contrôle de la
bande de Gaza, pour la transformer en une sorte de « Riviera du Moyen-Orient ».
Il suggère d’en faire une destination touristique comparable à la Côte d’Azur ! Il
propose que le Canada devienne le 51ème état des États-Unis car il aurait besoin
de la protection américaine. Où va le monde ? Pour se diriger vers une paix
mondiale, ça devient compliqué !
En 2021, le ministère des armées a réuni un collectif d’écrivains pour
l’aider à préparer l’avenir de la défense. Regroupés au sein de la « Red Team »,
ils planchent sur des hypothèses de fiction selon lesquelles notre armée pourrait
se trouver en difficulté. Tout se trouve sur le site https://redteamdefense.org/. Le
pire c’est qu’ils ne planchent même pas sur la paix ! Pourquoi n’avons-nous pas
un ministère de la paix ?
Je crois en la possibilité de créer des liens, même dans des situations
complexes, par des initiatives locales, comme par exemple des programmes de
dialogues interculturels. Il devient urgent, pour atteindre cet objectif commun
qu’est la paix dans le monde, de s’attaquer aux causes profondes des conflits : le
manque d’éducation, les inégalités économiques et les injustices sociales. Dans
certains pays, des programmes d’éducation des jeunes ont été mis en place pour
désamorcer les tensions communautaires. Mais est-ce suffisant ?
La paix et l’harmonie sont-elles possibles ?
Regardons par exemple l’Afrique du Sud. Pour aider le pays à tourner la
page sur des décennies d’apartheid, une commission de paix a été initiée en
- Pour être précis, c’était la Commission vérité et réconciliation (CVR).
Elle a fonctionné jusqu’en 2002, c’est à dire sept ans et continue d’inspirer le
monde pour de nombreux processus de justice transitionnelle.
Les efforts des pays nordiques pour maintenir une société équilibrée et
solidaire illustrent aussi comment des valeurs de justice et de dialogue peuvent
prévenir les conflits. Le modèle nordique repose sur une coopération entre
l’État, les employeurs et les syndicats, ce qui limite les tensions économiques et
sociales. Le respect des minorités et l’intégration sociale sont aussi importants :
ces pays ont des politiques en faveur de l’égalité et de l’inclusion et cela réduit
les fractures sociétales qui pourraient mener à des tensions internes.
On peut aussi parler du Rwanda où, après le génocide de 1994 une volonté
collective et le pardon ont pu accomplir d’incroyables réconciliations, pardon ne
voulant pas dire oubli.
La justice, autre pilier de notre engagement maçonnique, est essentielle à la paix
durable. En effet, les conflits naissent souvent de l’injustice, des inégalités et de
l’oppression. En tant que francs-maçons, nous devons nous élever contre les
injustices et œuvrer pour un monde plus équitable. Nous avons le devoir de nous
informer, de sensibiliser et de soutenir les initiatives qui défendent les droits
humains, qui promeuvent l’éducation et la dignité pour tous.
Le dialogue est un outil crucial pour la paix, sous réserve que les mots
prononcés aient la même signification pour ceux qui les prononcent et ceux qui
les écoutent.
Souvenez-vous le tableau de Pablo Picasso qui s’intitule Guernica.
Historiquement, Le 26 avril 1937, les Allemands bombardent le village de
Guernica. Il n’en reste qu’un paysage d’horreur. Guernica devient l’image des
atrocités de la Guerre Civile espagnole. Picasso choisit de peindre sa toile en
noir et blanc, pour rappeler les photographies de l’horreur. Un jour
d’inauguration devant Guernica, un touriste allemand demande à Picasso si c’est
lui qui a fait ça ? Picasso lui répond sans hésiter : Non, c’est vous !
En tant que franc-maçon, j’apprends l’écoute, le respect des opinions
divergentes et la tolérance. Dans ce monde globalisé où des malentendus
peuvent mener aux pires conflits, un dialogue sincère et respectueux est
indispensable. En encourageant le dialogue, nous contribuons à réduire les
tensions, à briser les préjugés et à favoriser une compréhension mutuelle entre
les peuples.
La paix est une responsabilité intergénérationnelle. Tout comme nous
bâtissons notre temple intérieur, nous devons aussi bâtir un monde dans lequel
les générations futures pourront vivre en paix. Cela implique d’inculquer aux
jeunes des valeurs de tolérance mutuelle, de respect des autres et de soi-même et
d’empathie. La transmission de ces valeurs est essentielle pour qu’ils
deviennent, eux aussi, des artisans de paix, capables de maintenir et de renforcer
ce que nous aurons construit pour et avec eux.
Donne un poisson à ton fils et il aura à manger pour un jour. Apprends-lui
à pêcher et il aura à manger pour toujours.
Je suis Charlie est dans mes pensées ; ce 7 janvier dernier, les médias et le
Grand Orient nous ont fait nous remémorer cet horrible attentat perpétué il y a
dix ans. Lors de notre présence au cimetière du Père Lachaise ce 1 er mai 2025,
nous nous sommes arrêtés devant la tombe de Bernard Verlhac, mieux connu
sous le nom de Tignous, abattu par les frères Kouachi. Le discours qui a été
prononcé nous a fait couler des larmes. Sur sa tombe, on peut lire : « Tu rêvais
d’être libre, et je te continue » citation de Paul Eluard. N’oublions-pas !
N’oublions jamais ! Je me pose la question : peut-on pardonner ? Bon, je ne
garantis pas que de mon côté je puisse pardonner mais nous devons permettre
aux générations futures d’y parvenir.
« Un jour viendra où vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où
vous ne lèverez plus d’hommes d’armes les uns contre les autres, un jour viendra
où l’on ne dira plus : – Les normands ont attaqué les picards, les lorrains ont
repoussé les bourguignons. […] Un jour viendra où les armes vous tomberont
des mains, à vous aussi ! […] Un jour viendra où […] vous toutes, nations du
continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité,
vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la
fraternité européenne. […] Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs
de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux
idées. » disait Victor Hugo, lors de son discours prononcé au Congrès de la paix
à Paris, en 1849. Ne pourrait-on pas organiser un prochain congrès pour la paix
en 2029, pour célébrer les 180 ans du congrès de 1849 ?
La France forme des officiers à la guerre. Pourquoi ne pas former les
citoyens à la paix dès leur plus jeune âge ? L’éducation à la paix pourrait devenir
une matière fondamentale, tout comme les mathématiques ou l’histoire, pour
inculquer aux enfants et aux jeunes les valeurs, les compétences et les outils
nécessaires pour construire et maintenir une société harmonieuse.
Un jour, il y aura peut-être une paix universelle et l’union de tous les
peuples. Un jour je verrai peut-être voler une colombe portant un rameau
d’olivier.
En 2015 le film sur les Avengers, L’Ère d’Ultron montre comment Tony
Stark (Iron Man) et Bruce Banner (Hulk) créent une intelligence artificielle,
Ultron, pour protéger la Terre et instaurer la paix. Cependant, Ultron en conclut
que la seule façon d’éliminer la guerre, c’est d’éradiquer l’humanité qu’il
considère comme la source du problème. Espérons qu’aucune intelligence
artificielle n’ait la même idée.
L’intelligence artificielle doit être utilisée avec parcimonie. L’humanité a
encore un cerveau, mais pour combien de temps ? Si nous n’inculquons pas à
nos enfants le travail de nos neurones et les laissons utiliser sans vergogne Chat
GTP, Gemini, DeepSeek, Mistral et toutes ces intelligences artificielles, nous
nous dirigeons tout droit vers un monde géré par les machines. Nous les
humains seront alors dépendants des petites pilules bleues ou rouges. Mais cela
est un autre sujet.
En conclusion
En tant que franc-maçon, nous avons un rôle crucial à jouer dans la
construction de la paix mondiale. Ce rôle commence en nous, dans nos loges et
doit s’étendre à la société toute entière. La paix est un état d’esprit, un
engagement quotidien et une responsabilité que nous portons collectivement. En
cultivant la fraternité, la justice et le dialogue et en transmettant ces valeurs aux
générations futures, nous pouvons espérer voir un jour advenir un monde où la
paix ne sera plus un rêve lointain, mais une réalité pour tous. Francs-maçons,
soyons des bâtisseurs de paix !
Que nos actions, éclairées par la lumière maçonnique, soient une
contribution pour bâtir cet édifice de paix. Efforçons-nous de rapprocher tous les
hommes et toutes les femmes par la fraternité.